
Pourquoi je n'écris pas d'essais postmodernes s'inscrit dans la polémique sur l'avant-garde littéraire des années soixante-dix passée au postmodernisme dans les années quatre-vingt (de François Charron à Philippe Haeck), polémique menée depuis quelques années par Jean Larose et François Ricard et où Jacques Pelletier est intervenu avec Les habits neufs de la droite culturelle. Mais Pierre Milot oriente sa propre critique à partir du principe d'une éthique de la discussion, c'est-à-dire sans le ressentiment néoclassique du laroso-ricardisme ni la mélancolie communautaire de Jacques Pelletier pour cette époque. Et le débat s'éclaire encore davantage quand on examine la façon dont la critique littéraire médiatique a le plus souvent traité cette «affaire». L'auteur pose en effet que, si de la fin des années quatre-vingt au début des années quatre-vingt-dix La petite noirceur, L'amour du pauvre et La génération lyrique ont occupé la vitrine médiatique du champ intellectuel québécois, une méprise s'est toutefois installée en ce qui concerne ces trois essais. Cette méprise tient au fait qu'on n'a pas vu que l'enjeu principal de ces ouvrages, qui portent en principe sur la réalité sociale et culturelle des années quatre-vingt-dix, procédait en fait d'une régression. Tout en se donnant le prétexte de débattre les questions en litige dans l'espace social, nos deux essayistes se livraient en effet à un différend littéraire relevant d'un conflit au sein de la même génération, celui opposant deux ex-collaborateurs de Liberté (Larose et Ricard) aux écrivains de l'avant-garde littéraire anciennement réunis autour de La Barre du jour, Les Herbes rouges, Hobo-Québec, Stratégie et Chroniques. Mais c'est aussi de la discussion internationale sur le postmodernisme que veulent témoigner les essais de ce recueil qui convoque Guy Scarpetta et Hannah Arendt, Jürgen Habermas et Jean-François Lyotard, Jacques Derrida et Karl-Otto Appel, Claude Duchet et Pierre Bourdieu. En somme, ce sont la littérature, la philosophie et les sciences sociales comme disciplines, l'essai littéraire et la théorie littéraire comme genres, qui sont interrogés ici à même un enjeu majeur de cette fin de siècle: le postmodernisme. Faut-il rappeler que, dès 1988, Pierre Milot avait posé les fondements de tout ce débat dans La camera obscura du postmodernisme?
Pierre Milot est chercheur affilié au Centre interuniversitaire d'analyse du discours et de sociocritique des textes.