Si l'entrée massive des femmes sur le marché du travail depuis une vingtaine d'années a considérablement modifié la vie familiale aussi bien que la vie professionnelle, elle s'est aussi accompagnée du problème de la conciliation de la production et de la reproduction. Le moment où cette question se pose de manière particulièrement aiguë, c'est lors de la grossesse. La loi du retrait préventif de la femme enceinte a été certes conçue pour soustraire celle-ci à des conditions de travail dangereuses, mais aussi pour lui permettre de poursuivre le plus longtemps possible son travail dans les conditions sécuritaires que l'entreprise pourrait aménager. Or à la fois par l'hésitation des femmes à demander ces réaménagements, par la résistance des employeurs à les leur proposer et par la difficulté même de définir ce qu'est le risque au travail, la loi n'a pas produit les résultats escomptés si bien que les employeurs la remettent maintenant en cause. Par-delà les débats techniques et administratifs que cet état de choses soulève, l'auteur montre ici que c'est la place même des femmes dans l'organisation du travail que nos sociétés n'ont pas encore réussi à intégrer. «Par ses manifestations physiques visibles et par ses exigences propres, la grossesse exacerbe les frictions entre l'univers de la production et de la reproduction, remettant à l'ordre du jour la spécificité féminine et les représentations sociales dominantes sur la valeur sexuée du travail et sur les rôles sexuels.»