Du télégraphe et du téléphone jusqu'à l'ordinateur de la dernière génération, les machines à communiquer sont omniprésentes dans le roman américain tout autant qu'elles structurent la société où il s'inscrit. C'est là d'ailleurs un des traits fondamentaux par lesquels on définit souvent les États-Unis: un pays jeune, hétérogène, sans mémoire, où l'échange de l'information tient lieu de ciment symbolique. «Pour assurer leur cohésion, les sociétés à mémoire se servent de l'histoire, les sociétés sans mémoire de la communication» (Lucien Sfez). Si ce poncif renferme certes une part de vérité, il est pourtant en même temps excessivement sommaire. La littérature, en tout cas, lui apporte de substantiels correctifs, cet ouvrage le démontre amplement, à travers les œuvres d'Auster, Boyle, DeLillo, Gaddis, Gass, Roth, Updike... Abordant le double thème de la technocommunication et de l'histoire, il établit en effet qu'en cartographiant ces grands espaces du savoir le roman se les approprie sans les dénaturer et, surtout, qu'il les interroge. Par là, la littérature fait acte de conscience, et se pose comme mode d'être et de connaissance du monde.
Jean-François Chassay est écrivain et professeur de littérature au département d'études littéraires de l'université du Québec à Montréal. Il a été membre de la rédaction et codirecteur de la revue Spirale, puis directeur de la revue Voix et Images; il a également tenu des chroniques littéraires à la radio de Radio-Canada (En toutes lettres, Fictions, Littérature actuelle, Le temps perdu, Paysages littéraires, Midi culture, Indicatif présent) et a publié une vingtaine de livres (romans, essais, anthologies, actes de colloque).