Les expériences, sinon les expérimentations, de la déréglementation sont très variées. Elles vont de la sur-déréglementation — où l'État abandonne toute ambition de régulation sociale et s'en remet aux mécanismes spontanés au nom d'une série de lois «objectives» du marché, de l'initiative privée, etc. — à la sous-déréglementation, où les pouvoirs publics (souvent supra-étatiques) tentent de récupérer les rênes d'une activité économique privée libéralisée en lui imposant des méandres bureaucratiques parfois dantesques. En déréglementant, les États «balaient» leurs responsabilités sociales dans la cour des entreprises privées, et celles-ci n'ont pas nécessairement les capacités pour les assumer. En développant des pratiques «éthiques» d'une façon qui colle à la fois à leur culture organisationnelle, à l'image qu'elles veulent projeter et aux impacts de cette culture et de cette image sur leur rentabilité, les entreprises peuvent avoir tendance à restreindre le champ même de l'éthique, et partant l'étendue de leur responsabilité sociale. Cela tend alors à favoriser soit une intervention accrue de l'État — allant parfois dans le sens de la sur-réglementation —, soit une déréglementation accrue. C'est donc, comme on dit, «parfois trop, parfois trop peu». La voie moyenne, si elle existe, est difficile à définir. Dans les deux cas cependant, les voies extrêmes semblent donner lieu à une suprématie de l'économique sur le social, le tout justifié peu ou prou (au moins par omission) par le politique. L'idéologie de l'État minimum conduit souvent non pas à un mieux-être collectif, mais à la dictature d'une «logique économique» de plus en plus autonome, avec pour couronnement une mondialisation trop peu encadrée par des mécanismes de contrôle délibérés et collectifs. Que l'État intervienne moins, soit. Mais il faut alors choisir avec soin non seulement les champs où cette intervention diminuera — avec les conséquences plus ou moins fâcheuses qui peuvent en découler —, mais également les acteurs sociaux qui devraient être sollicités pour prendre la relève de cet État évanescent. Quelle est la place des entreprises parmi ces acteurs? C'est ici, bien sûr, qu'intervient l'éthique des affaires.