
La plus grande valeur n'est jamais accordée à ce qui est le plus important, mais toujours à des objets, des retombées, des produits. Or, de tous les arts, le plus grand est l'art de vivre. Non pas une manière esthétique de vivre. Mais un art qui se situe en dehors de toute exhibition et de toute représentation. L'art le plus subtil, le plus vivant est celui qui passe inaperçu, qui ne laisse pas de traces. Toutes les œuvres d'art n'ont d'autre finalité que de contribuer à créer cet art de vivre. Elles ne se suffisent pas à elles-mêmes. Elles renvoient à une vie qui leur a donné naissance. En créant, l'artiste apprend à vivre. Et apprendre implique l'ignorance. Comme il s'agit d'un apprentissage sans fin, qui dure toute la vie, jusque sur le lit de mort, l'artiste crée jusqu'au bout, jusqu'à la fin, non pas pour laisser un objet de plus, mais pour apprendre un peu plus à vivre, pour pousser un peu plus avant cet art, le plus subtil et en même temps le plus négligé.
Pierre Bertrand a été professeur de philosophie à Montréal. Auteur d’une œuvre importante, il mène, dans une langue claire et sensible qui convoque art, littérature et philosophie, une réflexion minutieuse et patiente où il approfondit les thèmes de la vie et de la création.
Crédit photo: ©Alain Décarie